Candidature de Splendeur Tournelestêtes (Candidature acceptée)

Le mouvement, c’était le vivant.

Dans l’antre d’Andorei, rien ne bougeait. Le silence était total. Même les odeurs semblaient estompées. Un froid insidieux s’infiltrait dans les interstices du mobilier ruiné. Un infime souffle remuait doucement les cendres qui étouffaient l’âtre glaciale de la cheminée. Des rognons de pommes parsemaient le plancher.

Pas âme qui vive.

Les sons de l’improbables duo qui se tenait alors devant la porte du donjon parvenaient jusqu’à la petite bâtisse qui servait de bureau à l’Incarna. Et tandis que le reste de l’ordre s’était longtemps demandé dans quelle contrée il avait bien pu voyager, il y eut un mouvement.

Un geste vif, précis.

Ce qui semblait être un tas de couvertures, de métal rouillé et de livres sur un siège, venait de lever une main qui reposait vraisemblablement sur l’accoudoir. Quelques centimètres à peine. Depuis l’abîme paradoxale d’une capuche noire s’illumina alors une fente bleue parallèle au sol et luisante dans les ténèbres.

Seulement cela, et rien de plus.

Dans les cuisines du donjon de Fenris, une créature avait repoussé les limites de son imagination. Depuis plusieurs semaines, elle remplaçait de vraies pommes par de fausses pommes, façonnées dans une cire rouge. Chaque pomme artificielle était pour leur créatrice une véritable œuvre d’art qui remplaçait à merveille les fruits véritables qu’elle devait chaque jour apporter à son maître, dans la cabane au fond de la cour.

Les fruits n’avaient pas grand succès au sein de l’Incarnadine. Ainsi la goule d’Ahedar avait pu voler dans les réserves durant presque deux mois sans que personne ne s’en rende apparemment compte. Ses capacités de furetage s’étaient développées à toute allure et surtout, Andorei avait l’habitude d’attendre les réunions dans la grande salle pour envoyer « Toa » à la chasse aux pommes.

Ce soir-là pourtant, quelque chose fit capoter l’infaillible plan de l’étranger. Il y avait de la vie aux portes de Fenris. Quelqu’un frappait, parlait…

Dans son cabanon, le tas de couverture et de saronite parvenait à distinguer deux voix.

Dans les cuisines, la goule s’était figée, adressant un regard vide à la fausse pomme qu’elle s’apprêtait à placer dans les réserves, léchant parfois l’ichor qui dégoulinait de son nez. Un instant s’écoula avant que la goule ne frémisse brièvement. Le maître venait de donner l’ordre. Lâchant sa fausse pomme sur le plancher des cuisines, « Toa » prit la direction du hall et ouvrit la porte. Il ne fallut qu’une infime image avant qu’Ahedar ne donne un nouvel ordre à sa goule, et la porte se referma sans que les deux visiteurs aient le temps de voir quoi que ce soit.

« Ouvrez-moi !!!!! Je suis la gobeline dont vous avez besoin !!! »

Après que le noir se soit préparé, le silence trouva le temps de s’installer. Une fine bruine vint troubler la sépulcrale quiétude de Fenris et soudain, le porte s’ébranla.

Elle s’était ouverte sous la force mal mesurée de la goule qui regardait à présent les visiteurs de ses gros yeux jaunes et globuleux, au fond desquels une certaine excitation était perceptible. Son énorme trogne se fendit alors en deux, dans l’exécution effarante de ce qui était censé être un aimable sourire. L’ichor, d’un vert profond, glissait le long de ses dents ravagées pour venir trouver le sol dans un petit claquement qui semblait battre l’irrégulière mesure de cet instant gênant.

Sans prêter attention à ce que le duo pouvait dire, la goule émit une série de borborygmes vaseux en gesticulant. Malgré le chaos qui régnait certainement dans le crâne de cette pauvre créature, il était clair qu’elle demandait aux visiteurs de la suivre promptement.

Au fond de la cour, dans l’antre glacial, la flamme bleue qui surgissait perpétuellement de la fente sous la capuche, disparut dans un battement.

Lorsqu’elle comprit que les deux individus la suivaient, « Toa » éructa de satisfaction. Elle prit la direction d’une petite bâtisse à l’architecture typique de Lordaeron, qui longeait la muraille, non loin des écuries d’où s’élevaient les respirations bruyantes des montures si diverses de l’Incarnadine. Dans les recoins les plus sombres, un œil aiguisé pouvait discerner les silhouettes humaines qui se dissimulaient, fébriles, sans pouvoir toutefois résister à la curiosité.

Les réfugiés humains qui avaient trouvé asile sur l’île étaient depuis plusieurs mois confrontés à l’ordre sinistre qui hantaient les lieux. Si beaucoup avaient pris la fuite, certains, conscient de l’absurde dangerosité du monde, tentaient une cohabitation muette avec les Incarnas.

La bruine s’était épaissie. L’odeur putride de la goule s’amplifiait sous l’effet de l’humidité. Soudain elle s’arrêta. L’improbable trio se trouvait désormais face à une porte misérable, rongée par les mites, et d’où s’échappait un froid palpable.

Après avoir adressé un regard affreusement enjoué à Skalla et Splendeur, la goule frémis et flanqua son visage contre la porte, s’immobilisant dans une position si paradoxale que l’on put se demander comment elle pouvait la tenir.

Un instant s’écoula dans le clapotis lointain de la pluie naissante qui battait la mesure sur la surface du lac Lordamere. Puis, sans que la goule fasse quoi que ce soit, la porte s’ouvrit doucement, dans le cliquetis de son loquet rouillé.

Derrière elle, les ténèbres. L’antre d’Andorei était plongé dans le noir et seule les silhouette du mobilier était perceptible. Au sol, des trognons de pommes encerclaient un large fauteuil couvert de couvertures, de livres, et d’un étrange amas de métal plus noir encore que le reste de la nuit. À l’intérieur de cette pièce, il régnait cependant un signe de présence. Une aura sépulcrale qui semblait avoir non pas une odeur, mais un gout. Le gout du sang, du fer. Quelque chose de haineux semblait hanter les lieux.

Visiblement insensible à cette atmosphère pourtant pesante, la goule mima pitoyablement un nouveau sourire en se courbant, craquant de part en part, et tendant bien bas son bras vers ce sanctuaire infâme. Elle les invitait à entrer.

Désormais assez proche du Noir, Ahedar savoura la satisfaction de ne s'être pas trompé : Quelque chose chose d'étrange entourait cet elfe.

La fente bleue réapparue, lentement, sensiblement orienté vers le duo. Puis le tas de couverture sur le siège s'ébroua. Les livres et tissus glissèrent jusqu'au sol tandis que se dressait la longue silhouette armorée d'un chevalier de la mort. Le haut col de sa gabardine embrassait la capuche qui dissimulait son visage thalassien. Seuls les deux flammes damnées de ses yeux étaient discernables.

Sur l'instant, la goule sembla prendre la fuite. Elle disparut dans les ténèbres de la nuit qui s'était couverte de pluie.

Ahedar fixait Skalla. Son regard farouche, seul mouvement perceptible sur sa silhouette cuirassée, semblait être la gueule fumante d'un canon braqué sur le protecteur de Splendeur. Celui-ci pouvait sentir toute la curiosité qui habitait l'incarna à cet instant. Et ce dernier pencha la tête sur le côté, dubitatif, comme un rapace rêveur.

Là, dans son marais de parchemins, livres, étoffes et rognons de pommes, il prit la parole de sa voix tonnante et ferme.

"Je suis le capitaine Andorei, fondateur de l'Incarnadine. Et vous êtes chez moi."

Son regard plongea alors sur le corbeau à l'épaule de Skalla.

"Que faites vous ici ?"

Quelque chose grattait.

Comme cet épervier noyé qui avait un jour gratté l’ébène de son cercueil, quelque chose grattait aux portes de son esprit. Une nuée noire nacrée qui piaffait et lacérait d’un millier de serres et de centaines de bec, le mur gelé de ses pensées.

Ahedar éprouva l’impact mental. C’était imperceptible visuellement, mais le Noir n’avait manqué son assaut psychique que de peu. L’Incarna ne s’attendait pas à cela. Le mur avait vacillé, les becs avaient failli ouvrir une brèche et Andorei n’avait pu résister que grâce aux enseignements d’une prodigieuse prêtresse qu’il avait côtoyé, et à l’ombre qui planait sur son âme depuis les évènements d’Adul’Rethar.

Il avait fixé le regard de Skalla, parvenant finalement à clore hermétiquement son esprit, concentré à parer tout nouvel assaut, mais ne laissant rien paraître aux yeux de Splendeur.

Tandis que le Noir tombait finalement genou au sol, Ahedar distingua un monstre monumental qui accompagnait cet étrange métis. Un monstre qu’il connaissait, qu’il avait servi et affronté maintes fois : La peur.

Et, comprenant rapidement qu’il n’était pas la source de cette peur immense, le capitaine la partagea un instant. Il se trouvait face à un danger dont la portée était difficile à mesurer. Il ne put réprimer un sourire infime et rare sur son visage d’ordinaire impassible. Il était comme quelqu’un qui découvre un paysage merveilleux pour la première fois.

Il songea brièvement qu'il n'avait même pas dégainer lorsque le Noir avait fait mine de l'attaquer. Il ne s'était pas non plus préparer à son assaut mental alors que les indices n'avaient pas manquer. L'Incarna maugréa doucement.

La gobeline parlait. Il entendait ses mots mais se permettait allègrement l’impolitesse de jauger sans relâche l’extraordinaire objet d’analyse qui avait fait irruption dans son bureau. Son regard damné tentait de disséquer Skalla sans la moindre pudeur.

« … Lui c’est le Noir, Skalla le Noir... C’est mon… C’est un … Ami.
— Un ami… Marmonna Andorei en observant toujours l’elfe. »

Les songes illuminaient ses pensées en flashs intermittents. Il laissa planer le silence.

Soudain, la goule fit irruption dans la pièce en braillant sa fierté : Elle avait rapporté une pomme qu’elle lança à son maitre. Ce dernier la réceptionna en pleine face sans broncher, toujours occupé à admirer Skalla. La goule prit visiblement peur et tenta de se recroqueviller derrière Splendeur.

Sans daigner faire quoi que ce soit pour débarrasser la gobeline de « Toa » et prenant tout son temps, Andorei se pencha finalement pour ramasser la pomme, la croqua, et ficha son regard damné au cœur de celui de Splendeur.

« Enchanté, Splendeur Tournelestêtes et Skalla le Noir, commença-t-il d’un ton morose et sans conviction, vos propositions de services sont fort alléchantes et un examen approfondit de vos candidatures me semble de mise. »

Il lança un nouveau regard à Skalla, croquant de rechef dans le fruit rouge.

« Avant d’aller plus loin cependant, vous devez savoir que l’Incarnadine est un ordre à la neutralité délicate. Nous avons effet des obligations auprès de la horde et nous la défendons. Votre… Ami, aura donc à justifier plus amplement de sa loyauté mais c’est un détail. Ce qui importe c’est que vous ignorez visiblement tout de nous. »

Il claqua des doigts et sa goule, soudain dénuée de toute peur, se précipita vers un meuble où s’entassaient des piles de feuillets. Elle en saisit un ainsi qu’une plume et de l’encre pour les apporter à Splendeur.

« L’Incarnadine est ancien et renaissant. Ses racines sont lointaines et sa direction nouvelle. Aujourd’hui notre rôle est de veiller sur les artefacts d’Azeroth. Nous les défendons de tout ce qui peut émettre une pensée. Nous les découvrons, les récupérons, les détruisons si possible ou les enfermons le cas échéant. Nos troupes sont divisés en deux segments : Les Lames, cœur guerrier de l’ordre dont je suis normalement le référent, et les plumes, les chercheurs, savants, penseurs en tous genres qui sont dirigés par Lisysse Elwaren, la dirigeante de l’ordre. Le paiement de nos membres se fait en hébergement, blanchiment, ravitaillement, et prélèvement sur les gains que nos travaux rapportent. »

Ses yeux tombèrent sur le parchemin donné à Splendeur par la goule.

« Je vous invite à nous laisser des coordonnées précise sur ce vélin, à déposer ce dernier sur le meuble à votre droite, puis à sortir de cette pièce en refermant la porte derrière vous. Mon valet vous raccompagnera vers le lac ou vous trouverez, je crois, un réprouvé qui vous mènera sur l’autre rive du lac Lordamere. Nous ne vous hébergerons pas, mais soyez assuré que vous aurez rapidement de nos nouvelles. »  

La goule s’inclinait déjà, près de la porte. Ahedar jeta son rognon de pommes au sol.

« Je me permet d’ajouter que notre rôle nous approche régulièrement du mal. N’espérez pas trouver un emploi tranquille parmi nous. »







[Nous vous proposons un rendez-vous en jeu pour un entretient. Une petite ellipse est aisée si vos personnages nous laissent un moyen de les joindre et si vous êtes d’accord, ils recevront une lettre de Lisysse pour fixer la date et l’heure du rendez-vous !

Merci pour cet échange très plaisant sur le forum, j’ai hâte de vous retrouver en jeu !]